Inguinis Origines 1 : Entretien avec Katia Even
Publié le 01/02/2023
Entretien avec Katia Even, autrice du roman graphique "Inguinis origines tome 1"
Dans la Rome du premier siècle avant l'ère chrétienne, Chrysanthe assignée en tant qu'esclave auprès du sculpteur Nicomède, est en quête de sa liberté mais doit avant cela encore participer à des orgies avec les hauts responsables politiques. Pendant ce temps, des jeunes filles sont kidnappées.
Cédric Lépine : Pourquoi avoir décidé d'aborder une préquel dans la saga des Inguinis ?
Katia Even : Les lecteurs nous sollicitaient. Nicolas Guenet, mon dessinateur, était disponible. J’avais des idées. Il n’en faut pas plus. J’ai construit un contexte familial pour le personnage d’Artémis avant d’écrire le tout premier tome, alors je peux placer ma caméra où bon me semble.

Katia Even
C. L. : Quel serait selon toi les idées fortes qui portent l'ensemble de la saga ?
K. E. : Le désir de liberté dans un monde très -trop- dirigiste.
C. L. : Trouve-t-on dans les autres tomes comme dans Inguinis origines au centre de l'intrigue la place d'une femme qui se veut maîtresse de son destin ?
K. E. : J’aime avoir des personnages féminins maîtres de leur destin en général. Non par militantisme, mais plutôt pour contrebalancer la tendance des auteurs à sur représenter les personnages masculins et à n’utiliser le personnage féminin souvent unique (syndrome de la Schtroumpfette) comme faire-valoir du personnage masculin (cf. le test de Bechdel). J’aime défendre l’idée d’une offre littéraire plus variée.
C. L. : En quoi selon toi se plonger dans la période historique de la République romaine avant l'arrivée de l'Empire constitue une opportunité adéquate pour représenter la sexualité et les fantasmes qui en résultent ?
K. E. : Je n’écris jamais mes scénarios avec les scènes de sexe : elles arrivent après. Pour Inguinis, j’ai surtout cherché une période charnière, entre deux périodes, où les ombres sortent, afin d’avoir un contexte riche. Les scènes de sexe s’ajoutent à l’histoire ensuite, car quelle que soit la période, les humains n’ont jamais cessé de forniquer, de toute façon. Ce n’est donc pas pour l’opportunité adéquate de représenter la sexualité que j’ai choisis cette période, mais pour la richesse des interactions sociales et politiques dont elle a été témoin.
C. L. : Quelle recherche historique as-tu eu besoin pour aborder cette période ?
K. E. : Je suis une passionnée d’encyclopédies : je cherche un premier élément, qui m’amène à un second par le jeu des confère (cf.), puis à un autre, etc. Je vais ensuite me renseigner sur le Net, j’établis une frise chronologique historique réelle sur laquelle je vais poser la chronologie de vie de mes personnages fictifs.
C. L. : Comment as-tu jonglé entre les fantasmes sexuels masculins etle désir de porter un personnage féminin qui cherche à s'émanciper du contrôle juridique des hommes ?
K. E. : Ce n’est pas bien compliqué : on est tellement biberonés au désir masculin qu’il est très facile à représenter. L’inverse en revanche demande une réelle volonté de montrer autre chose. Quant aux lecteurs, il n’y a aucune raison que l’histoire d’une femme ne puisse pas les intéresser.
C. L. : Est-ce que dans la littérature érotique actuelle, il est difficile de lutter dans la représentation des fantasmes contre une sexualité mainstream ?
K. E. : De lutter non. Et il n’y a pas de lutte, à mon sens. Il y a au contraire une offre de plus en plus variée, du fait que de plus en plus de femmes viennent dans le milieu en tant que créatrices. En revanche, il est très simple d’écrire quelque chose sur les fantasmes masculins, et bien plus compliqué d’écrire quelque chose sur les fantasmes féminins. Non pas qu’ils soient plus complexes ; ils sont juste tellement moins représentés qu’on a tout à créer.
C. L. : Peut-on voir dans le personnage en puissance de Chrysante face à une société exclusivement patriarcale une métaphore de ton cheminement pour trouver ta place en tant qu'autrice alors que la littérature érotique est très largement signé par des hommes ?
K. E. : Je ne me suis pas posé la question. Je n’ai pas eu de mal à signer et m’imposer chez mon éditeur Tabou. Mon éditeur ou mes co-auteurs ne m’ont jamais montré la moindre réticence ou le moindre mépris. C’est une maison d’édition où la collégialité est très respectueuse. Je n’ai donc pas vraiment l’impression d’avoir jouer des coudes pour trouver ma place : on m’a fait une petite place de suite, qui n’a jamais été remise en question, ma foi. Du coup, je ne pense pas qu’Inguinis soit une métaphore de mon cheminement ; je pense que c’est au contraire de la pure création et non de la procréation.
C. L. : Quelles différences fais-tu entre les romans graphiques érotiques et la pornographie sur Internet ?
K. E. : Le respect humain : un roman graphique érotique a l’assurance de ne pas avoir de trafic d’êtres humains derrière.
C. L. : Quel peut être le rôle de la BD érotique dans l'éveil et l'émancipation personnelle à travers la sexualité ?
K. E. : Lire des romans - graphiques ou non - érotiques me semble plus propice à l’imagination et à l’éveil, que de regarder des vidéos qui sont beaucoup plus crues et potentiellement choquantes. On ne construit pas une sexualité respectueuse sur des scènes de violence. Le roman graphique a cet avantage que la violence représentée est souvent contextualisée dans un lieu ou une période imaginée alors que les films me semblent trop proches de la réalité pour permettre un détachement sain.
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